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Il allait avoir vingt ans quand il a découvert l'enfer nazi d'Hennigsdorf !
Amours contrariées, espoirs envolés... En cette matinée glaciale du début février 1943 et alors qu'il allait fêter ses vingt ans quelques jours plus tard, le 22 très exactement, Jean RODON apprend qu'il vient d'être requis par les autorités de la collaboration pour partir travailler en Allemagne nazie. Tout ce qu'il avait espéré en ce début d'année va donc s'effondrer d'un seul coup ! Juste au moment où il s'apprêtait à se fiancer à Sophie, une petite ouvrière de deux ans sa cadette et à régulariser leur tendre penchant qui avait pris naissance quelques mois plus tôt rue Quincampoix, à proximité de son atelier de mécanique générale.
HITLER avait impitoyablement exigé de la France que celle-ci lui délègue des ouvriers qualifiés pour combler son manque de main d’œuvre disponible, la majorité des jeunes Allemands étant partis combattre à l'est ou ailleurs. Le nazi Fritz SAUCKEL, nommé responsable du recrutement des ouvriers dès le mois de mars 1942, sera chargé de mettre en place un dispositif tendant à l'échange d'une main d'œuvre contre des prisonniers de guerre, tant en France qu'en Belgique. Les conditions d’occupation étant très dures en France, beaucoup d’ouvriers français aveuglés par une propagande efficace (affiche ci-dessus) verront dans cet échange, un moyen de nourrir leur famille sans imaginer un seul instant qu'ils seraient sous-payés et hébergés dans des camps de travail où ils seront souvent livrés à la vermine (punaises, poux de corps, morpions) et à des conditions de survie dantesques. En juin 1942, en mettant en place un premier dispositif, celui de "la relève" les Allemands comptaient sur un recrutement forcé de quelques 350 000 travailleurs. A la fin du mois de mars 42, si pour trois volontaires envoyés dans les usines allemandes, il avait été prévu la libération d'un prisonnier de guerre, très peu de prisonniers français rentreront chez eux. La propagande n’ayant pas eu l’effet escompté, on ne comptera à la fin 1942 que 240 000 Français dans les usines allemandes. Aussi LAVAL, se prêtant docilement au diktat nazi, rédigera un décret pour appliquer une nouvelle réforme, visant à instaurer un SERVICE DU TRAVAIL OBLIGATOIRE (ou S.T.O) et l'application d'une loi votée le 16 février 1943. Après la défaite de 1940, l’Allemagne avait exigée de la France une énorme contribution de guerre, et cette réquisition en fera donc partie. Un gigantesque marché de dupes ! Cette collaboration de LAVAL avec le Troisième Reich débouchera sur l'envoi en Allemagne de 600 000 de nos jeunes qui seront condamnés à remplacer dans les usines et lieux de production allemands pour des salaires de misère une main d'oeuvre engagée pour "faire la guerre". Un odieux marchandage dont les requis n'oseront pas parler à leur retour, de peur d'être considérés comme des "vendus aux boches" !
Jean RODON qui est retraité en Dordogne se souvient de ce départ comme si tout cela s'était passé hier. Dans un ouvrage, il raconte quel aura cet enfer. Dans le film qui suit, tourné pour France-Télévision et Planète, l'écrivain François CAVANNA, concerné par ces premières réquisitions, évoquait avant de disparaître en 2014, ce qu'était le STO et ce qu'il a dû supporter. Précisions que beaucoup de ces jeunes embrigadés ignoraient à cette époque que des maquis avaient été créés par la Résistance aux nazis. Mais si certains d'entre eux, peu décidés à répondre à ce chantage, ont "pris le maquis", d'autres n'en auront pas le temps, et seront arrêtés par la Police française ! D'après l'historien Jean-Pierre AZEMA, 30 à 40 000 de ces jeunes requis rejoindront le maquis, sans pour autant être prêts à devenir de véritables combattants.
Envoyés de force en Allemagne entre 1943 et 1945, pour y travailler au service de l'Etat nazi, d'anciens membres français du STO ont décidé récemment de demander réparation. La première chambre civile du Tribunal de grande instance de Paris a commencé à étudier la demande de quatre anciens participants du STO ainsi que celle d'une petite vingtaine d'héritiers, représentant de ceux qui sont morts depuis. Il s'agit d'une procédure inédite devant la justice française, une précédente tentative devant les prud'hommes ayant échoué. L'avocat Maître Emmanuel LUDOT compte réclamer à l'Etat allemand pour ses clients la réparation d'un préjudice estimé à 100.000 euros. "Le STO doit être assimilé à de l'esclavage. C'est un crime contre l'humanité, donc imprescriptible. Le profit tiré de cet esclavage par l'Etat allemand entre 1943 et 1945 s'analyse comme un recel de ce crime", explique-t-il.JOURNAL D'UN ADOLESCENT FACE A LA GUERRE, Jean RODON, ISBN 978-2-918296-46-1
« Oct 2019, Monsieur "Qu'il fait bon vivre" décédait ! Adieu René !Mais qui était-il l'aide des Chollet ? Un simple prisonnier allemand ou... »
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