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Dédé, l'ami d'une enfance manquée !
HISTOIRES D'AVANT, Louis PETRIAC (Extraits)
L'homme occupe une place de choix..., lui qui donnait l’impression d’être si loin de tout et parfois si loin des autres ! Perdu dans les songes d’un homme qui semblait avoir renoncé à quantité de choses, il l’était Dédé ! Assurément ! Comme on peut l’être quand on affronte la vie avec résignation ! Je me souviens, aujourd’hui encore, de son visage buriné. Celui d'un homme d’une grandeur d’âme dont je me plais à revoir les traits quand ma mémoire s’allume les soirs de nostalgie. Avec ses grosses moustaches à la Staline et ses poches sous les yeux, son regard empli de tendresse, il était devenu pour moi plus qu’un complice, celui vers lequel le gosse que j’étais aimait aller s’asseoir. Peut-être parce qu’il adorait les enfants. Répondant gentiment aux mouflets que nous étions, un sourire au coin des lèvres, il avait pour nous une véritable patience d’ange. Et chaque soir, sur le coup des sept heures, j’attendais qu’il aille prendre place sur la grande banquette en skaï de la salle du Roi du Café sous notre vieille pendule, pour aller le rejoindre et me glisser près de lui. Une soupe, un bout de fromage et son éternel ballon de rouge l’y attendaient. Avant un café et le petit verre qui allait trop souvent avec ! Avait-il besoin d’un encouragement afin d’affronter l’existence jusqu’au lendemain ? Sûrement. En y repensant, je mesure à présent la solitude que cet homme éprouvait.
En tout cas, pendant des années et jusqu’à l’arrivée de la télévision à la fin des années cinquante, ce bon vieux Dédé aura illuminé mes soirées, interrompant sa lecture du Parisien Libéré pour rechercher la page des bandes dessinées et me les commenter. Grâce à lui, je parvenais toujours à savoir ce qu’avait fait Zoé [1], une fillette insupportable aux grosses nattes que le dessinateur MOISAN (ci-contre) se plaisait chaque jour à mettre en scène dans l’édition de notre quotidien. Pour le galopin en culottes courtes que j’étais à l’époque, c’était l’un des meilleurs moments de la journée. D’autant que personne ne s’occupait réellement de nous et que nous n’étions pas avares de quantité de « pourquoi » auxquels les plus grands ne répondaient que rarement. A plus forte raison lorsqu’un volontaire se présentait pour éclairer nos doutes avec des explications convaincantes de grande personne. Sans oublier que j’avais une toute autre raison d’adorer cette espiègle fillette ! Nous avions en effet hérité à l’école d’un imposant directeur du nom de GOZE dont le profil n’avait pourtant rien de comparable avec celui de cette fillette et que nous avions décidé de rebaptiser du nom de Zoé ! Combien y en a-t-il eu de ces interrogations auxquelles ce pauvre homme, gardien de son état, avait parfois du mal à répondre ? Sûrement quelques-unes et, quelquefois aussi, pas mal d’inepties émises par des bambins soucieux avant tout d’exister. L’homme avait-il des talents de conteur ? Sûrement. Il était cependant difficile de l’imaginer évoquant un avenir… Pas davantage lorsqu’une cigarette au bec, il regagnait sur le coup des vingt heures la modeste guérite de surveillance qu’il occupait dans l’entrepôt des Bindschedler, une entreprise de métallurgie lourde et de sidérurgie, face à leur vieille usine située de l’autre côté de la rue ! Avant qu’un beau jour il disparaisse de notre décor sans la plus petite explication et sans que l’on sache ce qu’il était devenu. Comme l’étendue dont il était l’un des gardiens et que l’on avait commencée à mettre à mal pour y implanter le futur périphérique parisien à grands coups de pelleteuse.
Ce portrait de son ami Dédé, Louis PETRIAC l'a conçu au moment de la publication de HISTOIRES D'AVANT, un ouvrage qu'il avait rédigé en quelques soirées, décidé à faire revivre certains des héros incompris d'une tendre enfance qu'il avait longtemps cru manquée. Cet ouvrage qui contient quelques autres portraits de ces gens de peu est toujours en vente et il est probable qu'il sera réédité.
HISTOIRES D'AVANT, Louis PETRIAC, ISBN 978-2-918296-11-9
[1] Petite fille insupportable, Zoé l’enfant terrible du dessinateur MOISAN a hanté de ses espiègleries chaque parution du Parisien Libéré dans les années cinquante et soixante.
« Une page s'est tournée mais la communication par l'émotion demeure...Histoires d'Avant... l'ouvrage témoignage d'une époque révolue ! »
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